À propos de la « lecture syro-araméenne du Coran » de Christoph Luxenberg
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À propos de la « lecture syro-araméenne du Coran » de Christoph Luxenberg
Maxime ADEL
On peut déjà considérer le Coran arabe comme le résultat d’une traduction1 pour faire reconnaître une identité arabe. Ce à quoi fait allusion entre autres les versets XII, 2 et XX, 113 قُرآنًا عربيًا [Nous l’avons fait descendre en forme de Coran arabe]). Pour que les Arabes puissent comprendre les Écritures, Nous (Dieu représenté par l’équipe de traduction du Coran), nous avons fait descendre(anzalnā) le texte coranique en arabe. La similitude entre le Coran et les anciennes Écritures font allusion à ce processus de traduction. Plusieurs recherches ont mis en exergue cette similitude, comme les deux célèbres études : Le Prêtre et le Prophète : aux sources du Coran écrit par Joseph Azzi [Abū Mūsā al-Ḥarīrī] (trad. de l’arabe (Qiss wa-nabī) par Maurice S. Garnier, Maisonneuve et Larose, Paris 2001) et The Syro-Aramaic Reading of the Koran: A Contribution to the Decoding of the Language of the Koran (Lecture syro-araméenne du Coran : une contribution pour décoder la langue du Coran) de Christoph Luxenberg2. Il est vrai que l’étude de Luxenberg est critiquée par Michel Orcel qui décrit Luxenberg comme étant un « curieux savant islamophobe »3, par Patricia Crone4 et par Pierre Lory5, mais il est vrai aussi que cette étude a adopté une méthodologie qui ne contredit pas celle des écoles exégétiques musulmanes, dans le sens que les deux méthodologies se basent sur la grammaire et la morphologie de la langue arabe. De plus, les exégèses musulmanes ne sont pas moins partiales que les recherches d’Azzi et de Luxenberg. Il est à noter que les exégètes musulmans se sont référés à des dictionnaires dont le premier (Kitāb al-ʿAyn d’Al-Khalīl b. Aḥmad al-Farāhīdī [718-791]) a été élaboré un siècle après la parution du Coran. Claude Gilliot a défendu le travail de Luxenberg en disant qu’il a fait une autre lecture du Coran en se référant au syriaque(« son étude se situe dans la tradition et le genre des variae lectionis (qirāʾāt) du Coran »)6.
Il semble que l’une des fonctions du Coran était de contribuer à l’émergence et à la reconnaissance de la langue arabe (fonction de différenciation), fonction qui ressemble beaucoup à celle de la traduction de la Bible en langues vernaculaires européennes pour la reconnaissance de ces nouvelles langues vernaculaires, ce qu’affirment Pascale Casanova dans La république mondiale des lettres7,Jean Delisle et Judith Woodsworth, dans Les traducteurs dans l’histoire8.
Référence :
ADEL, Maxime, Approche polysémique et traductologique du Coran. La sourate XXII (Al-Ḥajj [le pèlerinage]) comme modèle, Éditions Universitaires Européennes, London, 2022 (ISBN 978-620-3-44527-5), p. 49 & 50.
https://catalogue.univ-amu.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=1218398
Aix-en-Provence, 26 juillet 2023
Liens de la thèse de doctorat :
« Approche polysémique et traductologique du Coran. La sourate XXII (Al-Ḥajj [le pèlerinage]) comme modèle »
préparée par Mohamed Ali ABDEL JALIL (Maxime ADEL) à l’Université d’Aix-Marseille sous la direction deRichard Jacquemond et soutenue le 23/11/2017 :
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https://www.morebooks.shop/shop-ui/shop/product/978-620-3-44527-5
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https://catalogue.univ-amu.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=1218398
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https://catalogue.univ-amu.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=1080639
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https://www.sudoc.abes.fr/cbs/xslt/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=233031707
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https://www.sudoc.abes.fr/cbs/xslt/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=267606311
Quelques articles en français écrits par Maxime ADEL :
http://www.maaber.org/issue_june14/spotlights1_f.htm
http://cham2013.canalblog.com/archives/2022/06/09/39512093.html
https://p1.storage.canalblog.com/13/33/1101800/131366501.pdf
https://www.academia.edu/45141454/
Discours_de_soutenance_de_thèse_de_Mohamed_Ali_Abdel_Jalil_Maxime_Adel_23_11_2017
https://p9.storage.canalblog.com/99/30/1101800/128671251.pdf
Les liens des articles se trouvent sur le site de l’IREMAM–CNRS : https://www.iremam.cnrs.fr/fr/adel-maxime
Maxime ADEL
Professeur agrégé d’arabe, islamologue, traductologue,
calligraphe, traducteur, essayiste
https://www.iremam.cnrs.fr/fr/adel-maxime
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mohamed_Ali_Abdel_Jalil
1 Voici un exemple entre autres sur la ressemblance flagrante entre le Coran et les anciennes Écritures. Le verset coranique XX, 12 est quasi identique avec le verset biblique 3 : 5 de l’Exode. (Ṣafadī, Muḥammad, « Al-wādī al-muqaddas Ṭuwā wa-al-lugha al-ʿibryya » [« Le Val sacré Ṭuwā et l’hébreu »], site web Al-Ḥiwār al-Mutamaddin, n° 2657, 25/05/2009. Saʿdāwī, ʿAlī, « Al-wādī al-muqaddas Ṭuwā, khaṭaʾ fi t-tarjama » [« Le Val sacré Ṭuwā, une erreur de traduction], blog Iktashif ḥaqīqat al-Islām, 2011.)
فاخْلَعْ نَعلَيكَ إنَّكَ بِالْوَادِ المُقَدَّسِ طُوى. (طه، 12)
Fa-khlaʿ naʿlayka innaka bi-l-wādi l-muqaddasi Ṭuwā. (Coran, Ṭāhā, 12)
Retire tes sandales. Tu te trouves dans le Val sacré de Tuwâ* [NDT : Tuwâ, mot énigmatique] (Coran, trad. Berque).
שַׁל-נְעָלֶיךָ, מֵעַל רַגְלֶיךָ--כִּי הַמָּקוֹם אֲשֶׁר אַתָּה עוֹמֵד עָלָיו, אַדְמַת-קֹדֶשׁ הוּא. (Exodus Chapter 3 שְׁמוֹת, site Mechon Mamre, http://www.mechon-mamre.org/p/pt/pt0203.htm)
Shāl naʿlīkhā maʿāl rijlīkhā kī hamkom ashīr ata ʿomīd ʿlāf admāt qodesh huwa.
« put off thy shoes from off thy feet, for the place whereon thou standest is holy ground. [∅] » (Exodus Chapter 3)
« ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte. [∅] » (Exode 3 : 5, trad. Louis Segond).
Un hadith souligne l’opération de la traduction de l’Évangile depuis l’hébreu vers l’arabe réalisée par Waraqa b. Nawfal, le cousin de Khadija, la première épouse du prophète de l’islam, et probablement le maître spirituel de ce dernier, d’autant plus que, selon Al-Bukhārī, « lorsque Waraqa est décédé, la révélation s’est tarie ». Le hadith rapporté par Al-Bukhārī dit : « Ensuite Khadija le conduisit chez son cousin du côté de son père Waraqa b. Nawfal b. Asad b. ʿAbd al-ʿUzzā b. Quṣay. Celui-ci avait embrassé le christianisme pendant la période préislamique, et il avait pris l’habitude de transcrire l’Écriture hébraïque. Il copiait toute la partie de l’Évangile des Hébreux que Dieu avait voulu qu’il transcrivit. Waraqa était âgé et il a perdu la vue. […] Ensuite Waraqa ne tarda pas à décéder et la révélation se tarit ». (Ṣaḥiḥ Al-Bukhārī, volume 4, livre 55, n° 605). Un autre hadith attribué au plus important scribe de Mahomet montre les sources étrangères éventuelles du Coran. Selon Zayd b. Thābit : « L’Envoyé de Dieu dit : “Il me vient des écrits [kutub], et je ne veux pas que tout un chacun les lise, peux-tu apprendre l’écriture de l’hébreu, ou bien il dit du syriaque ?”. Je dis : “Oui”, et je l’appris en dix-sept-jours » ! (Ibn ʿAsākir, Tārikh Dimashq[I-LXXX, éd. Muḥibb ad-Dīn al-ʿAmrawī, Beyrouth, Dār al-Fikr, 1995-2000], XIX, p. 303. Voir aussi : Aṭ-ṭabaqāt al-kubrā d’Ibn Saʿd et Musnad d’Ibn Ḥanbal, textes numériques).Voir : « Le Coran : texte révélé ou texte traduit ? » :
https://www.academia.edu/14398653
https://www.academia.edu/14398653/Le_Coran_texte_r%C3%A9v%C3%A9l%C3%A9_ou_texte_traduit_texte_modifi%C3%A9.Voir l’article en arabe intitulé : "القرآن العربي نص مترجَم إلى العربية", Site al-Ḥiwār al-Mutamaddin,http://www.ahewar.org/debat/show.art.asp?aid=341103; https://www.il7ad.org/vb/showthread.php?t=2364.
2 Christoph Luxenberg, The Syro-Aramaic Reading of the Koran : A Contribution to the Decoding of the Language of the Koran [Lecture syro-araméenne du Coran : une contribution pour décoder la langue du Coran], op. cit., (titre original en allemand : Die syro-aramäische Lesart des Koran – Ein Beitrag zur Entschlüsselung der Koransprache, publié en 2000), traduction anglaise publiée à Berlin en 2007 par Verlag Hans Schiler.
3 Michel Orcel, L’invention de l’islam : Enquête historique sur les origines, Éditions Perrin, 2012. Version électronique consultée le 17/07/2017 : https://books.google.fr/books?id=RISfXyQKUasC&pg=PR7-IA17&dq=Mecque+archéologie&hl=fr&sa=X&ei=4dyNUZiUF8GyPMDtgHA&ved=0CEQQ6AEwAg#v=onepage&q=Mecque%20archéologie&f=false.
4 Patricia Crone, « What do we actually know about Mohammed ? », site web opendemocracy.net, 10 juin 2008. Patricia Crone définit les travaux de Luxenberg comme « susceptibles de soulever de nombreuses objections scientifiques » [« open to so many scholarly objections »]. https://www.opendemocracy.net/faith-europe_islam/mohammed_3866.jsp ;http://moodle.huji.ac.il/hu11/file.php/16423/Crone_what_we_know_Muhammad.pdf (consultés le 17/07/2017).
5 À propos du travail de Luxenberg, voici l’avis de Pierre Lory qu’il nous a envoyé par courrier électronique :
« Luxenberg a l’avantage de souligner combien de passages ou termes du Coran sont incompréhensibles ou non interprétables en tout cas. Le principal reproche que je fais à sa méthode est d’avoir conçu abstraitement une grille d’explication qu’il applique ensuite de façon trop rigide. Au départ cependant, sa grille aurait dû être mieux justifiée. Il pose en introduction (le Coran est un lectionnaire syriaque), ce qui est simultanément sa conclusion. Ceci dit, certaines de ses idées peuvent être ponctuellement fécondes, me semble-t-il. Pour le reste, je ne connais pas le syriaque et ne puis guère aller plus loin. »
6 Claude Gilliot, « L’embarras d’un exégète musulman face à un palimpseste. Māturīdī et la sourate de l’Abondance (al-Kawthar, sourate 108), avec une note savante sur le commentaire coranique d’Ibn al-Naqīb (m. 698/1298) », 2004, p. 22,https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00006638/document (consluté le 17/07/2017). Voir aussi du même auteur : « Méthodes et débats. Langue et Coran : une lecture syro-araméenne du Coran », Arabica, T. 50, Fasc. 3 (Juil. 2003), pp. 381-393. (https://www.jstor.org/stable/4057635?seq=1#page_scan_tab_contents consulté le 19/07/2017).
8 Jean Delisle et Judith Woodsworth, Les traducteurs dans l’histoire, Presses de l’Université d’Ottawa, 1995.